Le vignoble de Pamiers au Moyen Age (© Louis Claeys)

Depuis l’Antiquité, Pamiers se situe sur la route des vins, distance la plus courte entre Méditerranée et Atlantique, entre vignobles languedocien et bordelais. Preuve en est le nombre important d’amphores de la période gallo-romaine trouvées sur le site de Pamiers (puits funéraire du Calvaire). Le vignoble local s’y est également développé malgré le monopole des vins italiens. Mais le véritable essor date de l’époque carolingienne sous l’influence monastique tout d’abord (abbaye Saint-Antonin de Frédélas) puis épiscopale (fin XIIIème siècle). A cette époque, Pamiers est la ville située le plus au sud du royaume exportant ses vins vers l’Angleterre via Bordeaux, puis, au début du XIVème siècle, jusque sur la table du roi de France, Philippe le Bel. Très rapidement donc, la vigne représente la plus grande part de la fortune de la cité.

1. XIIIème et XIVème siècles : les grands siècles.

Plusieurs actes du XIIIème siècle prouvaient déjà cette importance :

  • le plus ancien date de 1255 : les consuls de Pamiers s’engagent à payer 6 deniers par tonneau de vin ( 2 pipes ou 8 hl) pour droit de leude en passant devant le moulin de Sicard de Montaut à Auterive.
  • en 1272 : Arnaud de Marquefave, seigneur de Saverdun donne son autorisation aux consuls de Pamiers d’établir des navières sur les chaussées des moulins de Saverdun, moyennant une leude de 6 deniers par tonneau. (navière : sorte de canal latéral à la chaussée)
  • en 1285, le 15 février : traité entre les consuls de Pamiers et Edouard, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine suivant lequel chaque tonneau apporté ou passant à Bordeaux paiera 5 sous et 4 deniers tournois (acte en latin, calligraphié, avec sceau – copie de juillet 1305).
  • 5 janvier 1287 : 30 livres tournois sont payés à Raymond de Durfort, seigneur de Bonnac, pour construire une navière sur la chaussée de son moulin à Bonnac de même qu’il assurera le passage libre dans sa seigneurie.
  • mars 1287 : 120 livres tournois payées à Aymar de Brassoles, abbé de Calers, pour l’entretien des passelis du moulin de l’abbaye de Calers sur l’Ariège (commune de Gaillac Toulza – Haute Garonne) pour que les bateaux puissent passer en tout temps.

L’importance de la navigation sur l’Ariège est à signaler avec les droits de passage pour l’entretien des barrages car il n’y avait pas de remontée possible de la rivière pour les bateaux à cause des passelis. Un proverbe : se disait d’un objet perdu que l’on ne reverrait plus : « a passat à Calers ». Plus tard, les passelis ont été transformés en navières.

2. La vigne omniprésente à Pamiers.

Sur un sol graveleux, chaud et humide, abrité des chaleurs tropicales par les Pyrénées.

  • au XIVème siècle : représente 70 % de la valeur de tous les biens ruraux (fermes comprises), sa valeur est même supérieure à celle de tous les immeubles de la ville.
  • présente principalement sur les grausses (entre Ariège et Crieu) et les bordures du Terrefort.
  • en 1388 : le chroniqueur Froissart admire les vignobles de Pamiers « bons et à grand plantés ».
  • en 1399 : (étude de François Baby- Histoire de Pamiers-1981)
  • près de 1100 ha en 3000 parcelles (1127 propriétaires)
  • moyenne de la parcelle : 37 ares (contre 28 ares en 1828 et 641 ha) – au XIXème siècle, encore 1100 propriétaires.
  • la vigne appartient à 70% de la population ; chaque famille a sa parcelle et sa cave ; les grands chais sont ceux de l’évêque (quartier de Coserans) et du chapitre (Loumet et Lestang).

3. La production est en moyenne annuelle de 3000 hl

Même si la courbe de production évolue en fonction de la prospérité de la ville, elle culmine en 1415, année exceptionnelle avec 6450 hl, et descend ensuite au XVème siècle jusqu’à 1500 hl : épidémies, temps incertains, avant de remonter à 3000 hl fin XVème siècle. (encore 8000 hl dans les années 1870 – après le phylloxéra, le vignoble se stabilise autour de 400 ha)

  • production de : vin rouge (vermelh), blanc (blanc), clairet (claret).
  • en 1396 : le barral (35 litres) de vin claret est vendu 6 sous
  • le barral de vin rouge, 6 sous et 8 deniers.

– en 1378, l’évêque, mgr Dachon, tire de son vignoble 178 pipes (760 hl), dont la moitié est consommée par ses gens et la moitié commercialisée.

4. Vendange et commercialisation

La vigne procure 3000 journées de travail aux brassiers appaméens. La vendange dure de 12 à 15 jours, jamais avant la Saint Michel (29 sept.), ni après la Saint Luc (18 oct.) et se termine par la fête des vendanges puis le droit de razimar est accordé aux pauvres.

Vente au détail :

  • uchau ou demi-litre
  • pegar ou un litre
  • mieg pegar ou deux litres

Le négoce :

  • tonnelet d’un barral ou 35 litres
  • barrique d’une demi-pipe ou 213 litres
  • foudre d’une pipe ou 427 litres.

A partir de l’époque moderne, le vin de Pamiers perd de sa splendeur, suite à la spécialisation des régions. Les céréales en particulier deviennent dans nos régions la nouvelle culture spéculative, grâce au Canal du Midi. Suite également à l’amélioration des transports avec la concurrence des régions limitrophes.

Mais à la veille de la Révolution, ce vignoble est encore important dont rend compte la carte de Cassini.

Au XIXème siècle, il fait encore illusion, porté en quelque sorte par le vignoble de Royat* (35 ha en 1883 et 2000 hl). Le phylloxéra sonne le déclin définitif du vignoble en Ariège. Fin XIXème siècle, il ne reste que 400 ha à Pamiers pour une consommation locale et familiale. Les anciens parlent encore du bi’petit de Pamiers.

* Pour découvrir l’histoire de la ferme-école de Royat, cliquer ici

Louis Claeys